Compte-rendus des sessions
Compte-rendu session n°7 : « Atelier de lecture d’un article scientifique. Comment on lit un article scientifique » dans le cadre de l’école doctorale « Apprivoiser les chiffres pour s’en emparer. Afrique francophone XVIIIe-XXIe siècle », Saint-Louis, du 2-15 juin 2024.
Dans le cadre de la Residential Research School organisée à l’Institut des Etudes Avancées de Saint Louis au Sénégal du 2 au 15 juin 2024 par le CNRS, INSHS – AFRICA, le CRDS du Sénégal et le réseau COUNT portant sur le thème « Apprivoiser les chiffres pour s’en emparer. Afrique francophone XVIII – XXIe siècles », 15 participants constitués de doctorants et post doctorants ont participé à cette rencontre scientifique. Au cœur de ces échanges, des sessions portant sur l’analyse des chiffres et les approches méthodologiques ont constitué le programme bihebdomadaire. A cet effet, la session n°7 intitulée « Atelier de lecture d’un article scientifique. Comment on lit un article scientifique ? » qui fait l’objet de ce compte-rendu s’inscrit dans cette approche méthodologique. Il a été préparé conjointement par les Prs Emmanuelle Sibeud et Beatrice Touchelay. La session a été structurée autour de trois points essentiels à savoir : 1. L’identification des « ingrédients » d’un bon article ; 2. L’explication des normes de présentation d’une bibliographie en sciences humaines et sociales ainsi que les différentes sources que les chercheurs peuvent utiliser et 3. Un exercice pratique portant sur la lecture de l’article de Romain Tiquet intitulé : « Rendre compte pour ne pas avoir à rendre des comptes ».
Ce propos a participé au renforcement des capacités de production scientifique des jeunes participants notamment en ce qui concerne les normes des revues de sciences humaines et sociales. Bien au contraire si la critique est une exigence minimale à l’égard de son écriture et de sa démarche.
Par ailleurs, les « ingrédients » d’un article scientifique sont : l’originalité du thème traité. En effet, il est question d’explorer l’ensemble des productions relatives au sujet et de dégager le périmètre non exploré afin choisir une question de recherche originale via les bibliothèques en ligne. Le projet de rédaction d’un article se mesure à l’aune des sources disponibles et l’environnement sur lequel on veut travailler. Il est donc important de se poser les questions nécessaires à la recherche notamment : la date, l’espace, l’objectif, l’apport par rapport à l’existant d’où la nécessité de s’assurer de l’exhaustivité des références bibliographiques et démontrer une bonne connaissance de la revue de la littérature. Ces démarches facilitent la structuration des questions de recherche.
Le second point c’est la démarche méthodologique scientifique qui sied au sujet. L’explication du choix de la méthodologie utilisée à partir de la collecte des données (archives, entretiens, données chiffrées, etc.), l’analyse et les interprétations, constitue un gage de scientificité. Pour cela, il est important de recourir aux revues spécialisées et privilégier la pluralité des sources. Une attention particulière a été portée sur l’utilisation des chiffres comme sources. Les données chiffrées ont été produites dans un contexte spécifique et il est important de poser les questions suivantes à ces chiffres : quel est le commanditaire et qui a fabriqué ces chiffres ? Que nous disent-ils, que ne nous disent-ils pas et pourquoi ? Les silences des chiffres, ce qu’ils montrent mal et ce qu’ils floutent seront à interroger.
La deuxième série d’explication se rapporte à la présentation de la bibliographie en sciences humaines et sociales. Il est important de respecter les normes de présentation bibliographique dans un article scientifique en suivant les prescriptions de la revue à laquelle il est destiné. Les revues proposent des sources plurielles constitués des corpus de textes non publiés, des documents diplomatiques, de romans traduits, d’affiches ou des tracts pour les études sur un mouvement syndical, par exemple.
Afin de vérifier le niveau d’acquisition des connaissances dispensées pendant cette phase théorique, un exercice pratique qui constitue le dernier point a été proposé. Il s’agit de l’analyse de l’article de Romain Tiquet sur « Rendre compte pour ne pas avoir à rendre des comptes ». C’est un article propose une approche critique des écrits administratifs en situation coloniale au Sénégal entre 1920-1950. Les participants ont souligné les principaux points d’un article scientifique notamment la pertinence du titre accrocheur à travers le jeu de mots autour de « compte », la pluralité des sources (sources imprimées, archives coloniales). Ils ont ainsi proposé un résumé des apports de l’article en matière de production des chiffres en l’occurrence le décalage entre les procédés administratifs légalement imposés et la réalité du terrain.
A l’issue de cette session, les participants ont réalisé l’enjeu d’un article scientifique sérieux. Publier un article dans une revue des sciences sociales, constitue la garantie qu’on sera lu ; d’où l’importance d’améliorer son écriture scientifique. Par conséquent, les participants et les exposants sont largement revenus sur l’épineux problème des revues prédatrices et la question de vulgarisation des travaux qui posent un réel problème dans le milieu de la recherche. La session s’est avérée riche en termes d’apports méthodologiques et de nouveaux outils pour l’exploration de champs historique et sociologique.
Compte rendu rédigé par : Niampy RABEMANANAJARA, doctorante en Histoire à l’université d’Antananarivo Madagascar sur le thème « Citoyens et vie politique dans le district de Fianarantsoa durant la troisième République (1992 – 2010) ». Contact : niampy_hery@yahoo.fr ; Et Christelle MAIMOUNA, doctorante en Histoire économique et Sociale à l’Université de Maroua/Cameroun sur le thème : « Les pagnes dans les grandes aires culturelles du Cameroun : introduction, appropriation et fonctionnalités du 19e au 21e siècle ». Contact : christimouna@gmail.com ;
Compte rendu de la session 08 présenté par : Said SALASSIE et Pape Mactar DIAW. Titre de la communication : les chiffres et la gestion du foncier, apport des systèmes d’informations géographies participatifs (SIG-P) dans la gestion foncière : le cas de « mbane », Sénégal.
Présenté par : Mohamed Moustapha Fall, Doctorant en géographie et membre de l’IEA Saint-Louis au Sénégal
Cette communication est axée sur la contribution des technologies, à l’occurrence les SIG dans la gestion foncière à « Mbane » dans la ville de Saint-Louis.
La communication présente « Mbane » avec ses caractéristiques physiques généreuses qui possède un capital humain important. La gestion de la rente foncière devient très problématique dans un contexte où l’agriculture est essentielle pour la survie du peuple. Ce paradigme fait de la terre un capital important pour le développement du monde rural. Région d’immigration par excellence, « Mbane » possède une terre fertile. Ces atouts créent une compétition foncière sans précédente dans la localité. Celle-ci est à l’origine de sempiternels conflits latents à « Mbane » dû au manque de terre.
Ce manque de terre cultivable est la conséquence de la braderie foncière. L’auteur signale que, 250 000 ha sont attribués aux investisseurs étrangers et homme politique, laissant ainsi que 190 000ha à la petite paysannerie. Pour endiguer ce phénomène, l’auteur suggère de faire recours à de nouvelles méthodes et techniques (cartes participatifs) pour une vision des communautés (histoire, conversations, une voix aux populations locales). Mais aussi du changement climatique.
Ce travail a pour objectif de faciliter la gestion du foncier par des cartes et à intégrer des connaissances locales à partir des SIG utilisées par les populations.
En effet, ceux-ci sont soumis aux pressions extérieures et les SIG vont leur permettre d’avoir suffisamment d’informations, de disposer d’un support pour revendiquer leur foncier (carte de délimitation).
Pour bâtir ce travail, l’auteur s’est appuyé sur un fonds documentaire conséquent sur la problématique foncière dans la localité et ailleurs, les enquêtes du terrain, les archives etc. ce qui donne un caractère scientifique à son travail. Monsieur Fall a utilisé un power point pour rendre compte de son travail devant plus d’une dizaine de doctorants et post doctorants présents à cette grande messe scientifique.
Le travail de Monsieur Fall est une innovation dans un contexte de prédation foncière et de prédominance du droit foncier moderne. Il a le mérite d’impliquer les populations locales dans la gestion du foncier en utilisant les Système d’Informations Géographique.
La communication de Monsieur Fall a aussi le mérite de renseigner l’auditoire sur le conflit qui existe entre les droits : le droit coutumier et le droit moderne. Sa manière d’aborder la question et surtout le croisement des informations. Il termine sa présentation en présentant le foncier au Sénégal comme « un droit pour deux rêves ».
Compte rendu de la session N14 « Méthodologie de la recherche-Elaboration d’un cadre théorique ». Présenté par M. Alioune MBAY
La problématique de la « construction d’un cadre d’analyse théorique en sciences sociales », talon d’Achille de nombreux chercheurs, a fait l’objet d’une réflexion approfondie le vendredi 7 juin 2024, dans les locaux du « Quai des Arts » situé à la pointe Nord de l’île de Saint-Louis du Sénégal. Pendant deux heures (de 9h à 11h) et dans une démarche interactive, le Professeur Abdou Salam Fall, animateur du thème, sociologue du laboratoire LARTES de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, a tenu en haleine le public composé de dix-sept doctorants et post-doctorants venus d’horizons divers mais aussi d’éminents professeurs tels Madame Béatrice Touchelay de l’Université de Lille, Monsieur Babacar Fall directeur de l’IEA de Saint-Louis ainsi que Madame Emmanuelle Sibeud de l’Université Paris 8 et modératrice de la séance.
Cette session s’inscrit dans le cadre du Residential Research School COUNT-Sénégal-« Apprivoiser les chiffres pour s’en emparer »-Afrique francophone XVIIIe-XXIe siècle, tenu à Saint-Louis du Sénégal du 2-15 juin 2024 dont Madame Béatrice Touchelay en est l’un des principaux promoteurs.
Dans ce contexte porteur de sens, le Professeur Abdou Salam, à l’aide de diaporamas et de références bibliographiques exclusivement en anglais, a axé son intervention sur quatre points essentiels qui ont constitué le plan de sa démarche : les critères d’évaluation de la scientificité d’une thèse de sciences sociales, c’est quoi le cadre d’analyse ? comment construire le cadre d’analyse gagnant ? et enfin, études de cas.
La session a révélé toute l’importance des critères d’évaluation de la scientificité d’une thèse en sciences sociales qui doivent intégrer l’évolution du contexte et son impact sur le terrain étudié, la démonstration dictée par des données observées, la focalisation du thème sur l’étude des connaissances des théories élaborées en la matière mais aussi l’adoption d’une démarche plurielle privilégiant la comparaison qui, non seulement, permet de déceler les ruptures et les continuités, mais aussi, de faire des généralités.
La session a permis aussi de passer au peigne fin le cadre d’analyse qui, comme l’a montré le Professeur Abdou Salam Fall, repose sur un bilan des doctrines qui constituent la trame de l’argumentaire élaboré au cours de la recherche. Son but est double : élucider la recherche et guider l’ensemble du processus.
L’élaboration du cadre théorique, qui consiste à identifier les objectifs et les hypothèses, intervient généralement après le diagnostic de la documentation existante, mais peut être formulée au cours de la recherche. Elle assure plusieurs fonctions : préciser l’objet de recherche, dégager des hypothèses, cerner les variables, délimiter le champ théorique et assurer la mise en perspective des événements.
Le cadre théorique se décline selon une démarche originale dont la mise en œuvre nous renseigne sur la cohérence, la rigueur méthodologique, la structuration de la recherche, le choix entre la méthode quantitative ou qualitative, la vérification des données empiriques et la comparaison avec d’autres terrains pour des généralités.
La construction d’un cadre théorique gagnant, de l’avis du Professeur Fall, est fondée essentiellement sur deux paramètres qui s’inscrivent dans le sillage de la thèse défendue : la revue documentaire, d’une part, et, de l’autre, la sélection des théories. C’est en fait toute la pertinence de la prise en compte à la fois des théories en sciences sociales et des études empiriques. Cette construction comporte plusieurs phases : créer un lien entre les théories choisies et les questions de recherche, expliquer l’importance des théories dans la résolution des problèmes soulevés, contrôler les hypothèses mobilisées, montrer l’efficience des théories utilisées. Le cadre théorique n’est pas statique et peut être sujet à des modifications au cours de la recherche. Dans une démarche pédagogique, M. Abdou Sall Fall s’est évertué à donner des illustrations à travers trois études de cas de cadre théorique proposées par des doctorants.
Les débats controversés sur le canevas de recherche ont aussi permis au professeur Fall de mettre en exergue un tableau de bord, véritable panacée pour les jeunes chercheurs, portant sur les points suivants : page de garde, introduction, étude de la littérature, problématique, objectifs de recherche (général et spécifique), hypothèses, cadre théorique d’analyse, méthodologie, conclusion, références bibliographiques, annexes.
Seulement, faut-il constater pour le regretter le manque de temps nécessaire à l’exploitation en profondeur des cas pratiques soulevés un peu plus haut qui, sans doute, devrait permettre aux doctorants et post-doctorants de s’approprier davantage des phases et façons de la construction d’un bon cadre théorique.
La session a donc montré l’importance pour les chercheurs en sciences sociales d’avoir une bonne méthodologie de recherche, ce qui passe nécessairement par une bonne élaboration d’un cadre théorique prise au sérieux désormais par les jeunes chercheurs, et qui, certainement, augure des lendemains meilleurs pour les sciences sociales.
« Méthodologie de la recherche-Elaboration d’un cadre théorique ». Compte-Rendu de la session n°14
L’Institut d’Études avancées de Saint-Louis en partenariat avec l’université de Lille et le CNRS a accueilli du 02 au 15 juin 2024, l’école doctorale du réseau COUNT avec pour thème : « Apprivoiser les chiffres pour s’en emparer. Afrique Francophone XVIII-XXIe siècles ». Dans un contexte où les sciences sociales convoquent les données chiffrées pour conduire des analyses, cette rencontre avait pour objet d’examiner la place des chiffres par une approche critique pour la conduite des travaux scientifiques. Elle a regroupé 15 doctorants et post-doctorants, historiens et sociologues du continent africains.
L’école doctorale a été construite autour de 34 sessions qui traitaient certes de la question des chiffres mais également des questions d’ordres méthodologiques dont la session n°14 intitulée : « Méthodologie de la recherche-Élaboration d’un cadre théorique ». Elle a été présentée par le Pr Abdou Salam Fall de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Sénégal). L’objet de cette session consistait à faciliter la compréhension et la construction du cadre théorique retenus par les participants. Au préambule de l’exposé, les participants ont proposé quelques mots clés, qui donnaient une idée de leur conception du cadre théorique à savoir : orientations, grilles d’analyse. A partir de ces propos introductifs, l’intervenant a structuré son exposé autour de quatre articulations sous forme affirmative et interrogative notamment : les critères d’évaluation de la scientificité d’une thèse en sciences sociales, le cadre d’analyse et sa construction et l’étude de cas.
Selon l’intervenant, la scientificité d’une thèse s’évalue à l’aune de « La profondeur historique dans l’analyse des faits étudiés » qui constitue le premier point de la première articulation. En effet, les faits doivent être replacés dans leur contexte afin de saisir toute leur dynamique et leurs implications sur le terrain avant d’aborder la phase de conceptualisation. Le second critère c’est : « La mobilisation des données empiriques, observées et constatées ». C’est une démarche scientifique qui consiste à prêter attention à la présentation méthodologique des données étudiées et à les analyser pour comprendre la logique démonstrative. Le troisième critère c’est : « L’épaisseur théorique du travail ». Elle consiste à faire preuve d’érudition tout en se situant par rapport à l’ensemble des connaissances produites dans le domaine de recherche notamment les travaux des précurseurs et les théories qui ont été élaborées en la matière. Il est alors question d’avoir une bibliographie exhaustive appliquée et ciblée, construite autour des fiches de lecture en fonction des auteurs. Le quatrième critère d’évaluation c’est « la comparabilité ». Elle propose une approche comparative des genres, espaces de vie et situations géographiques. Cette comparaison enrichit l’analyse en mettant en lumières les variations et les dynamiques à l’œuvre dans le domaine étudié et facilite la généralisation théorique. Elle permet de montrer que le fait étudié se rapporte à d’autres espaces géographiques.
La deuxième articulation de l’intervenant était focalisée sur « La construction du cadre d’analyse théorique ». Son propos consistait premièrement en une clarification conceptuelle notamment le « cadre d’analyse théorique ». Il a été défini comme un « synthèse des théories qui encadrent ou inspirent la thèse. Il constitue le fil directeur de l’argumentaire qui se construit au cours de la recherche. Il est élaboré après la revue de littérature, une fois la problématique élucidée. Le cadre d’analyse théorique permet de situer son travail par rapport aux connaissances disponibles, de choisir les théories qui conviennent au travail proposé mais aussi d’expliquer les omissions. Enfin, ce cadre d’analyse qui se veut dynamique, favorise une analyse critique, déterminant de ce fait la pertinence de la recherche.
La troisième articulation intitulée : « Comment construire le cadre d’analyse gagnant ? » consiste à identifier les principaux travaux réalisés dans le domaine. Cet état de la littérature permet de dégager les principaux débats relatifs à l’objet de recherche. Il conduit à la mobilisation d’un ensemble de théories qui constituent les grilles d’analyse de l’objet d’étude ; lesquelles théories peuvent être convoquées dans les sciences connexes au domaine de recherche, en l’occurrence la sociologie et l’anthropologie. Ces théories sont opérationnelles dans le mesure où elles guident l’analyse et participent à l’interprétation des données. A l’issue de cette étape, des hypothèses sont formulées et participent à la structuration de l’argumentaire. Toutefois, c’est le lieu de produire une réflexion critique sur les théories qui ont été conceptualisées. En effet, celles-ci ne sont pas figées dans le temps et l’espace par rapport à un objet d’étude. Par conséquent, c’est un volet de la recherche flexible en fonction de l’évolution de la recherche, gage de scientificité et d’innovation.
La quatrième articulation c’est : « L’étude de cas ». Cette phase pratique consistait à créer quatre groupes afin de vérifier le niveau d’assimilation de la phase théorique. Ainsi, les groupes travaillaient sur le projet de recherche d’un doctorant. Sur la base d’un modèle proposé par l’intervenant, les groupes après avoir identifié le sujet de recherche, déclinaient l’objet d’étude, la problématique et les principales théories. Il fallait alors présenter sa démarche afin de vérifier l’opérationnalité du cadre théorique proposé par les équipes.
Cette session très interactive a permis aux participants d’éclairer des zones d’ombres mais aussi de relever des problèmes auxquels ils font face. En effet, les interrogations étaient structurées autour de la nécessité d’inclure ou « non » un cadre théorique dans un mémoire de Master ou une thèse de doctorat PhD. Ce débat résulte d’un contexte spécifique aux méthodes de certaines écoles doctorales africaines qui proposent une rupture d’avec cette approche classique dans la production des travaux.
Cette session qui s’inscrit dans une approche méthodique, fut riche d’enseignements et digne d’intérêt pour les étudiants dont les travaux relèvent de domaines pluriels. Le propos de cette session est fondamental pour les recherches en contexte doctoral et postdoctoral. Le cadre théorique bien qu’objet de débats constitue un cadre d’orientation, de structuration de la recherche et contribue à la production de travaux novateurs.
Compte rendu rédigé par : Niampy RABEMANANAJARA, doctorante en Histoire à l’université d’Antananarivo Madagascar sur le thème « Citoyens et vie politique dans le district de Fianarantsoa durant la troisième République (1992 – 2010) ». Contact : niampy_hery@yahoo.fr ; Et Christelle MAIMOUNA, doctorante en Histoire économique et Sociale à l’Université de Maroua/Cameroun sur le thème : « Les pagnes dans les grandes aires culturelles du Cameroun : introduction, appropriation et fonctionnalités du 19e au 21e siècle ». Contact : christimouna@gmail.com ;
Compte rendu de la session 14 Sujet : Construction d’un cadre d’analyse théorique en sciences sociales Présentateur : Professeur Abdou Salam Fall, Sociologue et Professeure Rokhaya CISSE, Sociologue, Laboratoire de Recherche sur les Transformations Économiques et Sociales, Institut Fondamental d’Afrique Noire, Université Cheikh Anta Diop
Du 02 au 14 juin 2024 s’est tenue, à Saint-Louis du Sénégal, une école doctorale intitulée : Apprivoiser les chiffres pour s’en emparer. Organisée par le CNRS INSHS-Africa, le réseau COUNT et l’Institut des Études Avancés de Saint-Louis, cette rencontre vise principalement à former des jeunes chercheurs des universités africaines à travers une approche critique des chiffres, afin de les inciter à s’en approprier et à en faire des outils d’analyse.
En effet, au cours de cette école d’été, une pluralité de thématiques a été déroulée : une méthodologie de la recherche, élaboration d’un cadre théorique en sciences sociales. Cet atelier méthodologique a comme objectif d’outiller les participants en méthodologie de recherche en sciences sociales, notamment en matière de construction d’un cadre théorique d’analyse et son application aux différents travaux de recherche en thèse.
Il s’agit pour les participants (doctorants), au sortir de cet atelier méthodologique, d’être suffisamment outillés sur les questions d’élaboration de méthodologie et sur le choix de la théorie qui s’applique à leurs travaux.
Élaboration du cadre théorique d’analyse:
Au début de la session, l’animateur a fait un prétest à travers un brainstorming afin de tester le niveau de connaissance des participants sur le cadre théorique. Cet exercice a permis de produire un plan de mieux peaufiner le plan de la présentation qui est articulé autour de quatre (4) points : les (1) critères d’évaluation de la scientificité d’une thèse en sciences sociales, le (2) cadre théorique d’analyse, la (3) construction du cadre théorique d’analyse gagnant, et (4) l’étude de cas.
Critères d’évaluation de la scientificité d’une thèse de sciences sociales:
Les critères d’évaluations d’une thèse en sciences sociales sont de plusieurs ordres. Le premier relève de la remise des faits étudiés dans leur contexte historique qui constitue un piège pour les sociologues. C’est en effet une erreur d’analyser les faits sociaux sans restituer leur historicité. Le deuxième critère consiste à faire une démonstration scientifique via un dispositif méthodologique et empirique en passant par une revue documentaire. Cela permet d’inscrire la thèse dans un cadre théorique d’analyse existant, donc un exercice d’érudition. Et enfin, le dernier critère est celui de la comparabilité. Une thèse en sciences sociales doit être comparative de genre, des générations, en mettant en lien les faits observés avec d’autres contextes, selon leurs dynamiques. Il s’agit d’effectuer la généralisation des faits dans le temps et dans l’espace. Cette approche comparative est par conséquent une démarche plurielle des faits dans leurs environnements. Après l’explication de ces différents critères d’évaluation d’une thèse en sciences sociales, c’est le lieu de donner la parole aux participants pour une synthèse récapitulative de la présentation.
Par ailleurs, le présentateur a défini le cadre d’analyse comme une synthèse des théories qui encadrent ou inspirent la thèse. Il est le fil directeur de l’argumentaire construit au cours de la recherche. À cet effet, le modèle d’analyse est conçu pour éclairer habilement la recherche, offrant ainsi une orientation claire et précise pour l’ensemble du processus, qui part de la formulation des questions à l’interprétation des résultats. Il est un fil conducteur qui guide le travail pour ainsi éviter de se disperser. Par ailleurs, il permet de recadrer la recherche en sciences sociales en s’inspirant des théories existantes. Subséquemment le modèle d’analyse est plus souvent établi après la revue documentaire, la formulation des objectifs et celle des hypothèses de la recherche. Néanmoins, la reformulation ou la formulation du cadre d’analyse dans le processus de la recherche est progressive, c’est-à-dire qu’il peut être formulé ou reformulé plus tard. Il aide à préciser les questions de recherche, à formuler des hypothèses et à déterminer les variables et le champ de la recherche. Lorsqu’il est formulé à la suite des données empiriques, les questions de recherches et les hypothèses de recherches ainsi que les objectifs sont réactualisés et adaptés aux théories considérées comme références.
Il faut noter que le modèle d’analyse met en perspective les résultats de la recherche comme un corpus nouveau qui devient un prolongement de la connaissance scientifique. Mais, ce savoir scientifique n’est pas passif ; il doit être fait d’une démarche critique et rigoureuse afin de surpasser ce qui a été déjà fait. Donc, la recherche est un travail analytique, qui consiste à classer, à affiner, à agencer et à critiquer afin de découvrir des évidences nouvelles dans toute leur finesse et leur pertinence. Et cela se fait à travers un cadre théorique qui permet d’apporter de la cohérence et de la rigueur méthodologique dans le travail scientifique. Le cadre théorique est un champ analytique des données tangibles. Il facilite l’interprétation des données factuelles à l’aide des analyses théoriques qui mettent en relief la compréhension des données observées. Il élargit également le champ interprétatif des résultats empiriques, comme critère de comparabilité.
Pour le reste, le cadre théorique de référence permet de choisir le dispositif méthodologique approprié à la recherche ainsi que la vérification de la pertinence des données discursives en cohérence avec les hypothèses de recherche.
Comment construire le cadre d’analyse gagnant ?
Il existe six étapes pour construire un modèle d’analyse gagnant. On note d’abord la revue de la littérature, qui est le point central de la construction d’un modèle d’analyse. Elle se fait par l’identification des grands auteurs et débats clés dans le domaine de recherche concerné. Ensuite, la seconde étape revient à sélectionner les fondements théoriques qui peuvent expliquer le phénomène étudié. Puis, relier les théories choisies aux questions de recherche en expliquant l’apport de ces théories dans les problèmes abordés et comment elles peuvent aider à interpréter les données. La quatrième étape d’un modèle d’analyse consiste à déduire les hypothèses de recherche à partir du cadre théorique choisi. Cela montre comment relier la théorie à l’analyse empirique. L’avant-dernière étape consiste à critiquer les théories utilisées pour justifier leur pertinence dans le travail de la recherche. Il faut également expliquer pourquoi certaines théories n’ont pas été incluses, en montrant comment celles choisies sont adaptées dans le contexte de l’étude. Enfin, la dernière étape d’un cadre théorique recommande la flexibilité et l’adaptation. Il s’agit de rester ouvert aux nouvelles théories et perspectives qui pourraient émerger au fur et à mesure qu’on avance dans la thèse. Donc le cadre théorique n’est jamais figé, il est itératif, mais pas chronologique.
Études de cas:
La dernière étape de l’atelier est consacrée au cas pratique de construction d’un cadre théorique. Les participants étaient dispatchés en groupe, et chaque groupe travaille sur la thématique d’un des membres du groupe. Ainsi des cadres théoriques ont été proposés par chaque groupe selon le phénomène étudié. La présentation des travaux des groupes puis la discussion entre les participants marquent la fin de la session.
Rapporteurs IKKACHATOU SEÏDI Massaoudou, Doctorant en Sociologie et Anthropologie à l’Université Abdou Moumouni de Niamey (Niger) ; ALIOUNE Ndiaye, doctorant en Histoire à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Sénégal).
« Les chiffres et les normes juridiques ». Compte rendu de session n°16
Mots clés : chiffres, normes juridiques, droit, jurisprudence, constitution.
Par Emmanuel CHESSI et Germaine Bienvenue NYANE
« Les chiffres et les normes juridiques » est la thématique de la session n°16 du séminaire doctoral organisé à l’IEA de Saint-Louis du Sénégal. Cette session a eu lieu à la salle de séminaire de la Résidence du Quai le vendredi 7 juin 2024 en présence de 15 doctorants et post-doctorants et des encadreurs et a été animée par le professeur Amadou TIDIANE NDIAYE, Docteur d’État en droit privé, agrégé des Facultés de Droit, et enseignant à l’université Cheikh Anta DIOP du Sénégal. La thématique a été d’un apport capital pour comprendre le lien entre les chiffres et les normes juridiques. De ce fait, en quoi les chiffres sont-ils importants dans la production de la norme juridique ? Et en quoi les chiffres interviennent-ils dans l’évaluation et la mise en œuvre de ces normes ? C’est autour de ces deux axes que l’animateur a élaboré ses propos. Le premier point portait sur l’importance des chiffres dans la production des normes juridiques. L’analyse de ce point s’articule autour de la compréhension de la définition de la norme juridique. À cet effet, une norme juridique est un acte juridiquement valide. C’est donc un ensemble des principes qui définissent les règles de conduite d’une société et dont la violation est condamnée par les juridictions compétentes. Elle est basée sur des valeurs, les principes et les conduites individuelles. Il existe une complexité des normes juridiques. La compréhension des normes s’articule autour de la hiérarchie des normes, qui permet de classifier ces normes produites. Cette complexité des textes rendent flou la compréhension et l’accessibilité des normes par le citoyen lambda, d’où l’expression « Nul n’est censé ignorer la loi ». Le citoyen, malgré cette complexité, doit prendre connaissance des différentes lois existantes, afin que nul ne l’en ignore.
On ne peut parler des normes sans chiffres. Il n’existe à priori, aucune différence entre les deux. En gestion des statistiques et des chiffres, le droit devient de plus en plus technique et inaccessible. C’est ce qui fait du droit, une discipline très large. Le droit dès lors est une question du fonctionnement de la société et les normes juridiques naissent au fur et à mesure que la société fonctionne ou change. Le droit permet de comprendre l’évolution des sociétés à travers les normes.
Par ailleurs, les chiffres dans la production de la norme juridique renvoi à l’instrumentalisation dans la production de la norme juridique d’abord, et ensuite la rationalité dans la production des normes juridiques sur les questions relatives à l’état des personnes. Pour le premier cas à savoir l’instrumentalisation des chiffres dans la production de la norme juridique, il est question de s’appuyer sur les relations économiques. À cet effet, tout ce qui concerne le droit économique est régi par les chiffres. La plus part des États ont fait une sorte d’abandon de souveraineté sur les questions qui sont relatives à la production de la norme juridique. Ces productions normatives constituent une qui est en rapport avec les objectifs économiques sans avoir les données chiffrées qui permettent d’atteindre celle-ci. Et à ce titre, le droit est utilisé comme fondement ou instrument d’intégration économique. La norme juridique dans ce cas est perçue comme un préalable et un aboutissement. Aboutissement dans la mesure où les acteurs économiques se comportent de telle en sorte qu’ils parviennent à l’intégration économique.
Pour le second cas à savoir la rationalité dans la production des normes juridiques sur les questions relatives à l’état des personnes. C’est d’ailleurs la seule question qui n’a pas fait l’objet d’harmonisation au niveau africain et au niveau mondial. Mais il y’a la question du genre qui revient de plus souvent. C’est à ce niveau qu’on demande aux pays africains de se conformer aux normes internationales. Ainsi, les questions de naissance, de mariage, de succession sont considérées par les africains comme des questions essentielles ne devant pas faire l’objet d’harmonisation internationale. Dans ce cas, la norme juridique impose le comportement et la conduite à tenir dans la société.
Le second point de cette thématique s’articulait sur les chiffres et la mise en œuvre des normes juridiques. Pour mieux comprendre cela, l’animateur s’est appuyé sur le droit proprement dit, qu’il considère comme un instrument qui s’adresse à des personnes raisonnables. À priori, la mise en œuvre des normes juridiques par les chiffres concerne pour la plus part des cas, l’exposé des motifs, le rapport de présentation, le bilan des réformes et la jurisprudence qui, intervient à chaque fois que le juge tranche un problème. De ce fait, il crée la norme juridique. C’est en principe la façon dont un tribunal juge une question.
Par conséquent, chaque pays est gouverné par une constitution. Et ce qui fonde la constitution d’un pays, ce sont les clauses d’éternité. Nul n’est au- dessus de la constitution, même pas le Président de la République. La prorogation du mandat présidentiel par le président sénégalais est une violation de la constitution. Car, le droit n’avait pas permis qu’un individu pouvait prolonger son mandat. L’intervention du juge était d’établir le respect de la constitution. De plus, les acteurs de la mise en œuvre de la norme juridique sont entre autres, les magistrats, les greffiers, les juges, les avocats etc.
En conclusion, les chiffres sont importants dans la production normative. Car, ils vérifient l’efficacité de cette production. Le droit est dans ce cas dynamique et complexe. Cette session sur « les chiffres et les normes juridiques » laisse un grand vide. Il faut dire que, l’animateur a été plus un praticien du droit qu’un adepte des chiffres. S’appuyant uniquement sur le droit, il a hormis de citer les travaux sur les chiffres et les normes juridiques, qui est d’ailleurs un vaste champ exploré par plusieurs théoriciens. Pour mieux comprendre la thématique sur les chiffres et les normes juridiques, les travaux d’Alain Desrosières ; Léon Hounbara Kaossiri ; Joëlle Affichard ; Rachel Vanneuville ; Albert Ogien, Michel Rufin etc., sont d’un apport incontournable dans la compréhension du rapport entre chiffres et normes.
Compte rendu de la session n°20 : « Fabrication des statistiques au Cameroun » Animateur : Marius Fonkou et Eric Onana ; Modérateur : Yaya Dia
Dans le cadre des activités du Réseau COUNT « Chiffrer et déchiffrer les empires coloniaux XIX-XXème siècles », un institut d’été pour les doctorants et post doctorants fut organisé du 2 au 15 juin 2024 à l’Institut d’Etudes Avancées de Saint-Louis du Sénégal. La thématique centrale de ce séminaire était : « Apprivoiser les chiffres pour s’en emparer. Afrique francophone XVIII – XXIème siècles ».
Durant ce séminaire, 34 sessions avaient été présenté par différents participants parmi lesquels Eric Onana, post doctorant à l’Université de Yaoundé I et Marius Fonkou, doctorant à l’Université de Dschang. Tous deux avaient été animateurs durant 2 heures de la session n°20 qui s’intitulait : « Fabrication des statistiques au Cameroun ». Bien qu’abordant la même thématique, ces derniers avaient développés chacun une approche particulière.
Ayant porté sa réflexion sur « La fabrication des chiffres au Cameroun (1921-1960) », Eric ONANA à travers son exposé, interroge la production et la crédibilité des chiffres publiés au Cameroun durant la période de mandat et de tutelle Franco-britannique. A l’aide de multiples sources primaires et grâce à une approche chronologique, ce dernier a démontré que la fabrication, mieux encore de la production des chiffres au Cameroun a évolué avec le temps. L’analyse qu’il a menée au sujet de cette évolution lui permit de faire le constat selon lequel : l’histoire de la fabrication du chiffre au Cameroun avait commencé sous le protectorat allemand et avait évolué en fonction des orientations établit par l’administration coloniale. Toutefois, l’on comprend de l’exposé d’Eric ONANA que durant la période coloniale, le Cameroun connût deux procédés statistiques. Premièrement, l’on avait les procédés statistiques britanniques (1921 – 1960) marqué par trois grands styles. Le style « Talbot » associant statistique et ethnologie, le style « Jacop et Tumer » alliant gestion administrative et statistique sociale ainsi que le style « Williams » rapprochant statistique et utilisation des statistiques. Deuxièmement, l’on avait les procédés statistiques français (1923 – 1960) marqué par plusieurs facteurs: les dénombrements nominatifs, la création d’un service local de statistique générale et la période des recensements. L’exposé d’Eric ONANA permit grâce aux chiffres, d’avoir une vue d’ensemble sur l’évolution de la population au Cameroun occidental entre 1921 et 1953.
Marius FONKOU, second intervenant de la session a quant à lui à l’aide des sources primaires et secondaires battit sa réflexion autour de la production des chiffres au Cameroun durant la période post indépendance. Son exposé a permis de comprendre qu’après 1960, la production des données statistiques s’était faite en toute autonomie. Elle était marquée à la fois par une rupture avec la façon de produire les statistiques coloniales et une continuité de l’appareil statistique disponible. Ceci dans le but de mettre sur pied une planification socio-économique. D’après ce dernier, dès 1964, on observe un renouveau statistique au Cameroun post colonial résultant de la transformation du bureau de la statistique en Direction Générale de la statistique. Ce renouveau statistique avait permis de réaliser des études chiffrées afin de mieux planifier le développement du pays ceci à travers les plans quinquennaux de développement entre 1961 et 1987. Marius FONKOU termina son analyse par le constat regrettable selon lequel l’Institut National de la Statistique qui fut créée en 2001 par décret présidentiel arrive de façon tardive dans le paysage statistique au Cameroun.
AWAUGNIN ZANFACK Carole Noëlle (doctorante en Histoire économique et sociale à l’Université de Yaoundé I, zanfackcarole@gmail.com) ;BESSIOM SANTIAGO Rostand (titulaire d’un Master II en Histoire économique et sociale à l’Université de Yaoundé I, santiagorostand@yahoo.com)
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Hugo Vermeren (18 novembre 2024). Compte-rendus des sessions. Compter en situation coloniale. Consulté le 17 mars 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/12p9l